Paléolithique moyen

-300 000 / -40 000

C’est le début de la période, vers -300 000 ans, au cours de laquelle s’étend en Europe une nouvelle espèce humaine : L’Homme de Néandertal qui côtoiera Homo Sapiens avant de disparaître. Ces populations de chasseurs-cueilleurs développent des industries sur éclats plus diversifiées et plus complexes que celles du Paléolithique inférieur, par ailleurs les gisements sont plus nombreux. Les industries du Paléolithique moyen en Lorraine sont caractérisées par le complexe acheuléen, le Micoquien et les industries moustériennes.

L’Acheuléen désigne une période du Paléolithique inférieur et moyen, caractérisée par des bifaces (la pièce symbole), des hachereaux et des outils sur éclats (racloirs, denticulés etc. ). Les bifaces sont définis par le Muséum d’histoire naturelle comme  «  de grands outils en pierre façonnés sur les deux faces pour rendre aigus les bords proches de leur pointe. » C’est un objet parfaitement symétrique de face et de profil, dont progressivement les formes parfois géométriques évoluent : en amandes, triangulaires, ovales et dont les dimensions très variées se réduisent. Une fouille menée sur un des plus anciens sites acheuléens d’Europe, dans le centre de la France (Site de la Noira, Brinay, Cher)  par une équipe du département de Préhistoire du Muséum vieillit le début de cette période. Elle prouve en effet « que le début de l’Acheuléen en Europe du Nord-Ouest est très ancien et date de 700 000 ans. » En Meuse, les bifaces de cette période sont représentés par de rares stations de surface, des découvertes isolées et par le gisement de Vassincourt (-300 000 ans).

Proto-Biface en silex, Belleville-sur-Meuse (Meuse), Paléolithique moyen. Fouille D. Henry.

 

Encore difficile à délimiter en Lorraine, le Micoquien se définit en fonction des sites par des industries plus ou moins riches en bifaces de dimensions réduites proches de celles observées dans la vallée du Rhin, mais aussi par des racloirs nombreux et variés à retouches bifaciales, ainsi que de nombreux outils du Paléolithique supérieur.

Diffusées par l’Homme de Néandertal, les industries moustériennes se répandent sur toute l’Europe. En Lorraine, les racloirs simples de type convexe dominent ces industries dont les matières premières, pour l’essentiel, sont le silex et des galets issus d’alluvions siliceuses d’origine vosgiennes. L’analyse technologique permet de distinguer en Lorraine trois groupes :

  • Le Moustérien de tradition acheuléenne se caractérise par un débitage Levallois peu développé, de rares bifaces et des racloirs simples.
  • Le Moustérien typique ne comprend pas de bifaces mais des racloirs variés.
  • Le Moustérien charentien se caractérise par l’absence de bifaces, la présence d’outils du Paléolithique supérieur (grattoirs) et une forte proportion de racloirs aménagés par des retouches écailleuses scalariformes dites de type « Quina ».

Biface en silex, Ambly-sur-Meuse (Meuse), Paléolithique moyen (Moustérien de tradition acheuléenne). Prospection J. M Baldauf.

 

Biface sub-triangulaire en silex, Ambly-sur-Meuse (Meuse), Paléolithique moyen (Moustérien de tradition acheuléenne). Prospection J. M Baldauf. Crédit photo APM.

Pointe moustérienne en silex, plaine de la Woëvre (Meuse), Paléolithique moyen. Prospection A. Mathieu. Crédit photo APM.

 

Racloir en silex, Plaine de la Woëvre (Meuse), Paléolithique moyen. Prospection A. Mathieu. Crédit photo APM.

Les armes utilisées pour la chasse à cette période sont des armes de poing (épieux et lances) qui nécessitent d’aller au contact de l’animal. Un contact individuel à haut risque, parfois fatal, qui rendait la chasse en groupe indispensable.

Dessin Ch. Guillaume

Dominique Henry

Pour en savoir plus :

Prospections

Le Paléolithique moyen en Meuse est actuellement représenté par des stations de surface découvertes lors de prospections pédestres individuelles ou/et collectives dans la vallée de la Meuse, dans la Woëvre et aussi dans le sud meusien. Nous étudions actuellement des collections lithiques inédites, récentes et  plus anciennes, de prospecteurs meusiens qui vont contribuer à parfaire notre connaissance de cette période de la préhistoire notamment.

Parmi les prospecteurs et au risque d’en oublier, citons J.M. Baldauf, J.M. Goutorbe, D. Henry, A. Mathieu, D. Mellinger, J. Piquet, M. Reeb, F. et A. Rzepka, S. Tylcz, G. Wilmet et les indispensables accompagnants. Retenons que même si les prospections sont ciblées, elles restent diachroniques, c’est-à-dire sans distinction chronologique. Le matériel collecté est lavé, trié puis classé avant d’être signalé par une fiche au Service Régional de l’Archéologie (SRA). Un même site peut avoir été occupé de façon discontinue sur une longue période. On peut ainsi trouver dans le même périmètre des traces d’occupation humaine du Paléolithique moyen (ex. racloir en quartzite), du Mésolithique (ex. pointe de flèche), du Néolithique (ex. hache polie), de la période gallo-romaine (ex. tessons de céramique sigillée), du Moyen Âge (ex. tuile à crochet) et de l’époque contemporaine (ex. éclat d’obus).

Dominique Henry

Les camps de chasse du Paléolithique moyen en Meuse

Il manque encore en Lorraine, comme le soulignait Christine Guillaume, la représentation néandertalienne de l’organisation du territoire en camps de base et en camps saisonniers de chasse. « Nous avons cependant, un bon exemple de camp de chasse à Vassincourt (Meuse) et de piégeage naturel de la faune à Belleville-sur-Meuse (Meuse), avant la dernière glaciation. » Deux sites piégés sous des dépôts qui ont permis leur conservation.

Une grande première en Moselle: En effet 40 ans après la fouille de Chavelot dans les Vosges, un site du Paléolithique moyen vient d’être découvert et fouillé par l’INRAP à Fameck (Moselle) dans le cadre d’un projet d’aménagement. L’occupation néandertalienne serait contemporaine du début de la dernière glaciation (entre -110 000 et -70 000 ans). Le niveau archéologique comprend du mobilier lithique (700 pièces) et de la grande faune dont du mammouth et du cheval. L’industrie lithique mise au jour, en stratigraphie, pourra donc être comparée aux séries découvertes lors de prospections en Lorraine notamment. « La fouille fournit donc des premiers éléments pour évaluer la place de cette région dans les peuplements européens. »

Dominique Henry

 

 

Vassincourt (Meuse) « Les sables verts »

La moyenne terrasse de l’Ornain a livré dans un paléochenal à -5.50 mètres sous des alluvions calcaires, des sables verts et des limons, les restes d’un camp de chasse ou d’une halte de chasseurs paléolithiques (fouilles Ch. Guillaume).

L’étude des pollens « montre un paysage forestier où le climat se détériore progressivement, avec tout d’abord le bouleau puis le pin et enfin des éléments steppiques. »

L’étude de la faune a permis de préciser la coexistence d’espèces de faune tempérée (Equus caballus, cervidés et bos primigenus, elephas antiquus) et d’espèces de faune froide (Elephas primigénus et rhinoceros tichorinus).

Quant à l’industrie lithique caractérisée par une série de trois grands bifaces en silex (du Bassin parisien) et par un racloir convergent, elle est « attribuable typologiquement à la transition de l’Acheuléen moyen et de l’Acheuléen supérieur, vers 300 000 ans. »

Dominique Henry

Industrie lithique en silex : 1 et 4  , 2 et 3 racloirs (Dessin Ch. Guillaume).

Coupe stratigraphique du gisement (de bas en haut) : paléochenal à lentilles argilo-sableuses, cailloutis calcaire et limons anciens (Photo J. Guillaume).

 

 

 

 

 

Remplissage karstique fossile à Wameau, Belleville-sur-Meuse (Meuse)

La construction d’une zone d’activité industrielle en 1989 a permis de mettre au jour sur le versant convexe du méandre de Belleville, à 30 m au-dessus du fond de vallée, un ensemble de cavités karstiques antérieures à la fin de la dernière glaciation (fouilles D. Henry). L’une d’elle, une cavité oblongue (5.5×3.2 m) et de 4.5m de profondeur de profondeur présente une forme d’entonnoir avec un puits perte à l’aval et des marmites à l’amont. Sa formation d’origine karstique est due à l’action mécanique et chimique des eaux de ruissellement, sur un axe de fissuration de l’assise calcaire, qui ont permis son creusement et son élargissement. La cavité est devenue fossile après son remplissage dû à la descente en masse d’éléments colluviés et d’un sol ancien (paléosol) à faune et industrie humaine. Elle a ensuite été recouverte et scellée par une couche épaisse de colluvions.

Deux niveaux archéologiques ont été mis en évidence :

  • Un sol ancien brun foncé (C3) avec de l’industrie en chaille locale (silex) de petit calibre et de la faune : fragments de dents et d’ossements de mammouth (Mammuthus primigenius), cheval (Equus), auroch (Bos primigenius), cerf (Cervus elaphus), chevreuil (Capreolus capreolus) et microfaune. L’étude des pollens (peu nombreux) montre un paysage forestier tempéré (pin, noisetier, aulne, genévrier, charme, chêne).
  • Un niveau sablo-argilo-limoneux jaune-vert (C4) contient de l’industrie du Paléolithique moyen et de la faune : sous la forme de fragments de dents de bovidés et de mammouth qui proviennent en fait après étude par Patrick Auguste (paléontologue et archéozoologue) de C3.

 

Une datation au C 14 sur un métapodien de cheval n’a pu être réalisée car l’échantillon ne contenait pas de collagène. Ce qui s’explique par le fait que l’eau élimine les protéines de collagène, or ces os, dans ce contexte karstique, ont séjourné dans l’eau ou/et dans des sédiments humides.

La datation par ESR/U-Th, utilisée pour dater des niveaux archéologiques du Pléistocène moyen (781 000 à 126 000 ans avant le présent) et supérieur (126 000 à 11 700 ans avant le présent), permettrait en appui des données stratigraphiques, paléoenvironnementales et de l’étude de l’industrie lithique de dater l’occupation humaine du niveau archéologique C3 (paléosol remanié).

Dominique Henry

Belleville-sur-Meuse, À Wameau (Meuse). Relevé stratigraphique et dessin D. Henry

 

Proto-biface, Belleville-sur-Meuse (Meuse), Paléolithique moyen. Fouille D. Henry. Crédit photo APM.