Antiquité

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La guerre des Gaules

La romanisation de notre région, après la conquête de la Gaule chevelue par César entre 58 et 51 avant notre ère, se fait au détriment des peuples celtes présents en majorité en Meuse.
Les Leuques (au sud) et les Médiomatriques (au nord) détenaient les territoires correspondant à peu près aux quatre départements lorrains. Ils ont témoigné, depuis la conquête de la Gaule jusqu’à la fin de l’Empire romain, d’un certain attachement au pouvoir de Rome. Allant même pour les premiers jusqu’à fournir du blé aux légions romaines, alors que les seconds à l’inverse envoyaient 5 000 hommes pour grossir l’armée de secours à la défense d’Alésia. Ils n’ont pas seulement choisi la soumission sécuritaire mais accepté un autre genre de vie et seront peu inquiétés par César.
L’importance du site de Boviolles, à l’origine du développement de Nasium, est révélateur du commerce déjà établi par les pays mosellans et champenois. Les gallo-romains excellent dans les métiers de l’artisanat qui se diversifient.

 

Le Haut-Empire et l’administration du territoire

Suite à la capitulation de Vercingétorix, les Leuques et les Médiomatriques subissent la romanisation de leur territoire meusien. Ils intègrent alors la province de Gaule Belgique qui rassemble Belges et Celtes. Les Trévires au nord et les Rèmes à l’ouest, vers l’Argonne, complètent cette présence en Meuse.

 

Carte des cités (M. Feller, R. Brulet, 1998)

Les voies de communications

Le commerce des marchandises, favorisé vers le milieu du 1er siècle par la construction d’un réseau routier et par le réaménagement de voies gauloises existantes se développe à partir de deux axes Ouest-Est. Le premier axe, situé au nord du département, relie les villes de Reims et de Metz en passant par Verodunum (Verdun). Ce qui permet d’aller vers Lavoye et Senon. Le second axe Reims-Metz, passe plus au sud par Nasium puis se dirige vers Toul.
Certaines voies sont « doublées » par des diverticules de moindre importance, ce qui est le cas sur chacune des rives de la Meuse au sud de Verdun. Des voies fluviales existent également avec l’Ornain au sud, sans doute par flottage ou au moyen de radeaux, et le fleuve Meuse qui est navigable dans sa partie supérieure depuis Saint-Mihiel.

Les voies romaines (D.A.O. F. Mourot, 2001)

 

Les sites urbains

Les sites majeurs de Nasium (Naix-aux-Forges) et Verodunum (Verdun) sont situés au carrefour ou à proximité de voies de communication qui favoriseront leur développement. Virodunum est idéalement placée au nord sur la voie routière Reims-Metz et bénéficie des possibilités de transport sur le fleuve Meuse. Tandis que Nasium au sud est située sur la voie romaine Reims-Metz par Nasium et Toul, à proximité de l’Ornain. Mais « l’agglomération de Nasium s’est développée dès le 1er siècle avant J.C. avec la fondation de l’oppidum de Boviolles. (…) Ville fortifiée gauloise, qui jouissait certainement du statut de capitale des Leuques (…) » L’agglomération de Nasium finit par atteindre le double de la superficie de Verodunum.

Les sites ruraux

La culture céréalière constitue l’essentiel des activités des villas gallo-romaines, destinées à la production agricole ainsi qu’aux habitations. Près de 400, de taille modeste pour la plupart, ont été dénombrées en Meuse. Mais l’élevage tient également une place importante dans ces domaines fonciers (bâtiments et terres) : bœufs, chevaux et ânes pour le travail ; porcs, moutons et volailles pour l’alimentation  et chèvres pour le lait et le fromage. La vigne s’étend progressivement.
Quelques agglomérations de plus faible importance se développent grâce à l’activité des ateliers de potiers. En effet l’Argonne, qui est déjà un important centre de céramique sigillée, devient au IVe siècle, une plaque tournante de cette production en Gaule. Le combustible issu de la forêt et l’argile présente dans le sol favorisent cette industrie, dont on recense l’activité de quelque 200 potiers et la présence de centaines de fours. Cette vaisselle s’exporte jusqu’ au Rhin ainsi que dans tout le bassin de la Meuse jusqu’à Maastricht.

Les sites cultuels

On a répertorié 40 lieux de cultes dont Nasium et Senon. La Woëvre en recense le plus grand nombre. Ils sont toujours distincts de l’habitat. Les sanctuaires connus en Meuse sont de trois grands types : temples de tradition indigène, grands sanctuaires et sanctuaires de plein air.

Jean-Marc Baldauf

 

Photo D. Henry

« Stèle funéraire gallo-romaine découverte en 1881 à Stenay dans les fondations de l’ancienne église Saint-Rémy. La face latérale droite porte une inscription indiquant qu’une mère a fait ériger ce monument à la mémoire de sa belle-fille, Vaccia, et de son fils Glamilius. Ce dernier est probablement le marchand de tissu représenté sur la face principale, déployant une tunique devant un client. » Musée de la Princerie. Verdun (Meuse)

Pour en savoir plus :

Échanges et productions en Meuse à l'Époque gallo-romaine

Durant l’Époque gallo-romaine, des ressources naturelles variées et abondantes pourvoyaient largement aux besoins de l’économie régionale : roches calcaires pour la construction et le décor d’architecture, argiles et bois pour la fabrication de la céramique, sables et fougères pour la verrerie, minerai de fer pour la métallurgie.

Dans le sud du département, le calcaire oolithique du Perthois, de l’étage tithonien du Jurassique, encore utilisé de nos jours, a fourni les dalles de sol et de couverture, ces dernières se substituant aux tuiles de terre cuite (tegulae), mises au jour dans les habitats aussi bien ruraux qu’urbains, à Nasium (aujourd’hui Naix-aux-Forges) et à Grand (Vosges) par exemple. C’était aussi un matériau de choix, car facile à tailler et sculpter, pour la statuaire et le décor d’architecture : frises, entablements, corniches et bas-reliefs.

Dans la vallée de la Meuse, les puissantes formations du calcaire détritique oxfordien de la Côte de Meuse, au grain plus grossier que le calcaire du Perthois, ont fourni des éléments d’architecture retrouvés à Verdun, où ils étaient transportés par voie fluviale.

Dans le nord-est du département, le calcaire oolithique du Bajocien, dont la couleur jaune est due à la présence d’oxydes de fer, se retrouve dans les agglomérations secondaires telles que Senon, Baâlon ou dans la statuaire du castellum de Saint-Laurent sur Othain.

Relief représentant un bucrane provenant des fouilles du castellum de Saint-Laurent sur Othain (Meuse). Photo J. Guillaume.

En Argonne, la conjugaison d’un couvert forestier dense, d’une argile de bonne qualité et de la gaize, une roche siliceuse utilisée dans la construction des fours, est à l’origine d’une intense activité céramique comprise entre les IIe et IVe siècles. Les productions issues des vallées de l’Aire et de la Biesme sont dominées par les vases de terre « sigillée » à glaçure rouge et décor moulé, puis au IVe siècle, par des pièces décorées à la molette qui vont connaître une très grande diffusion en Gaule du nord et jusqu’en Angleterre et dans les pays germaniques.

Dans cette même région, les verriers ont trouvé en abondance bois, sable et fougère (dont la combustion fournissait le calcin) nécessaires à la fabrication de verre à vitre, gobeleterie, retrouvés dans les villes proches : Reims, Châlons, Grand, Naix.

L’outillage en fer, mis au jour dans les habitations rurales (villae), mais aussi les éléments intervenant dans la construction (clous, pentures, serrures) étaient fabriqués dans des petites forges domestiques qui transformaient le minerai de fer détritique issu des vallées de l’Ornain et de la Saulx.

Si d’autres formes d’artisanat, tel le travail du bois, du tissage ou la vannerie n’ont pas laissé de traces tangibles, la tabletterie ou façonnage de l’os, est attestée à Verdun, où deux ateliers transformaient les bois de cervidés en peignes, épingles et peut-être en pions de jeu.

Toutes ces manifestations du savoir-faire et de l’art gallo-romain ont connu un déclin rapide avec les premières grandes migrations dans la seconde moitié du IIIe siècle, suivies par d’autres, comme en témoignent la vingtaine de trésors monétaires enfouis à la hâte, comptant parfois près de 3000 monnaies (Baâlon, Avocourt).

Jacques Guillaume