Moyen Âge

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Le haut Moyen Âge

Si les dernières grandes migrations du Ve siècle portent un coup fatal à l’organisation administrative gallo-romaine, les mutations qui ont préparé le Moyen Âge ont été moins violentes qu’on ne le pensait. Pour preuve l’occupation du sol restée dense, il est vrai surtout matérialisée par les nécropoles de plein champ, avant les opérations de diagnostic de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP), sources de nouvelles informations sur l’habitat.

Le rôle des voies romaines est resté prépondérant si l’on en juge par les objets retrouvés dans les sépultures, importés de pays lointains (Rhénanie, Espagne, Angleterre et Moyen-Orient). C’est aussi par la Meuse, navigable de la Belgique à Saint-Mihiel et doublée d’une voie terrestre qu’ont été transportés les lourds sarcophages extraits dans les carrières du Perthois.

La circulation monétaire, désormais aux mains de nombreux monnayeurs, sans atteindre le volume des échanges à l’époque gallo-romaine, est attestée par le trésor monétaire de Saint-Aubin. En outre, les marchands de Verdun se portent garants, dans la première moitié du VIe siècle, des 7 000 pièces d’or prêtées par Théodebert aux notables.

Longtemps unique marqueurs l’occupation du sol, les nécropoles, fort nombreuses, n’ont pas été rationnellement explorées, loin s’en faut, si l’on excepte principalement celles de Lavoye, Dieue-sur-Meuse et plus récemment Velaines.

Leur répartition montre une certaine continuité dans l’occupation des bons terroirs : vallées, versants de côtes, au détriment des terres lourdes à cultiver, comme la Woëvre. D’importance inégale, les nécropoles peuvent compter de quelques dizaines de tombes à 367 à Lavoye et peut-être 1 000 à Eix, selon des estimations anciennes.

Certaines d’entre-elles montrent une occupation dès l’Antiquité tardive (IVe s.), ainsi à Dieue-sur-Meuse et à Lavoye, le pic d’utilisation se situant aux VIe et VIIe siècles. Les tombes, en rangées plus ou moins lâches et orientées vers l’est, sont creusées dans le substrat, le corps pouvant être placé dans une enveloppe périssable, progressivement remplacé par un coffre de bois ou un sarcophage, à partir du milieu du VIe siècle. La pratique de « l’inhumation habillée » consistait à déposer l’individu avec ses vêtements et accessoires, armes pour les hommes, parure pour les femmes. De la fin du Ve siècle à la fin du VIe siècle, une nette hiérarchie sociale transparaît à travers les dépôts funéraires. Elle s’atténue nettement au VIIe siècle. Au VIIIe siècle, l’abandon de l’inhumation habillée est généralisé, nous privant de moyens de datation.

L’habitat, longtemps parent pauvre de la recherche, car de construction légère, a bénéficié de travaux récents, ainsi à Bras-sur-Meuse, Euville… Tous ont en commun la présence, quasi exclusive, de structures dites « cabanes » excavées, avec traces de poteaux de charpente et/ou de clayonnage pour les parois. Certaines structures sont hors sol, comportant une ossature sur poteaux. Le site de Dieue-sur-Meuse, propriété foncière de l’évêque de Verdun attestée dès le Xe siècle, fouillé de façon exhaustive, constitue un apport majeur à la connaissance de l’habitat. Il jouxte une nécropole et se développe dès l’époque mérovingienne pour atteindre les berges de la Meuse du IXe au XIe siècle, avec une soixantaine de « cabanes », un seul bâtiment en dur, des foyers, une aire de battage, des silos. L’abondant mobilier recueilli a permis de retracer le quotidien des habitants : consommation carnée : bœuf, mouton, chèvre, porc, volaille, chasse : cervidé, sanglier ; activités artisanales : textile, tabletterie et, fait rarissime, préparation des peaux d’écureuil pour leur fourrure.

Qu’en est-il des villes durant l’époque mérovingienne ? Les agglomérations dites « secondaires », comme Nasium (Naix-aux-Forges) ou Senon, perdent de leur influence. Verdun, en revanche, sur la voie romaine de Reims à Metz va conserver un rôle éminent. Intégrée au royaume d’Austrasie, avec Metz comme capitale, après la mort de Clovis en 511, elle est siège épiscopal dès la fin du IVe siècle ou le début du Ve siècle. La topographie de la ville, encore mal connue, se résume aux fondations chrétiennes et à quelques nécropoles. Dans la ville haute, le groupe épiscopal comprend, dès le VIe siècle, l’ecclesia, dédiée à la Vierge, le baptistère et le palais épiscopal. Parmi les églises suburbaines, la basilique Saint-Pierre, Saint-Paul et Saint-Vanne, sur la voie de Reims, aujourd’hui dans la citadelle, est une fondation mérovingienne, attestée dès 634. Des fouilles récentes ont mis au jour quelques sépultures du VIe siècle, richement dotées, appartenant à l’élite verdunoise. D’autres édifices sont également des fondations alto-médiévales : Saint-Amand, Saint-Maur, Saint-Saturnin (future Saint-Paul), Saint-Victor.

Fibule en argent doré et grenats, Charny (Meuse), Haut Moyen Âge, VIe siècle, époque mérovingienne. Découverte fortuite. © Ville de Verdun, Musée de la Princerie.

 

Vase, Gondrecourt-le-Château (Meuse), VIIe siècle, époque mérovingienne, dépôt Musée Barrois. Photo J. Guillaume.

 

Plaque-boucle damasquinée, Fleury-sur-Aire, VIIe siècle, époque mérovingienne, dépôt Musée Barrois. Photo J. Guillaume.

Panneau cuve de sarcophage (avec décor d’entrelacs, haches…), Gondrecourt-le-Château (Meuse), VIe-VIIe siècle, époque mérovingienne. Dessin J. Guillaume.

Plaque-boucle plaquée argent et grenat, Dugny-sur-Meuse (Meuse), fin Ve début VIe siècle, époque mérovingienne. Photo J. Guillaume.

Bracelet, site de Saint-Vanne à Verdun (Meuse), VIe siècle, époque mérovingienne. Photo L. Kieffer.

Le Moyen Âge

Le développement du Christianisme, propre aux villes durant le haut Moyen Âge (Verdun est siège épiscopal à la fin du IVe siècle ou au début du Ve) et à quelques fondations monastiques en milieu rural (Beaulieu-en-Argonne, Montfaucon, Sampigny, Bonnet puis Saint-Mihiel) va prendre une tout autre ampleur dès l’époque carolingienne. La formation des paroisses, avec l’église en son centre, va attirer la nécropole autrefois de plein champ. Dorénavant, le cimetière chrétien va rester attaché pour toujours à l’agglomération. En revanche, certains sites de hauteur occupés anciennement échappent à cette règle : ainsi les églises de la « Côte Saint-Germain » à Lion-devant-Dun où celle de la Côte Saint-Jean à Sorcy-Saint-Martin, matérialisant l’empreinte de l’Église dans des lieux païens.

Outre sa fonction religieuse, l’église assure aussi la protection physique des habitants. Fortifiée, comme à Dugny-sur-Meuse, Pareid, Saint-Pierrevillers, Woël…elle les accueille en période de troubles.

Le château va marquer durablement le paysage. Il apparaît au Xe siècle sous la forme d’un tertre artificiel, la « motte castrale » (Latour-en-Woëvre, Louppy-le-Château…) puis laisse la place au château de pierre au XIIIe siècle, parfois intégré à une enceinte villageoise (Hattonchâtel).

À partir de la seconde moitié du XIIe siècle se développent, conjointement aux grosses forteresses princières, des maisons fortes à l’initiative de la petite aristocratie rurale (Watronville…). La mieux conservée est celle de Gombervaux, près de Vaucouleurs, construite au XIVe siècle à l’initiative du pouvoir royal. De plan quadrangulaire et cantonnée de tours rondes, elle se distingue par sa haute tour-porche très bien conservée.

Parallèlement au développement du phénomène castral, on assiste à celui des enceintes villageoises, parfois à l’initiative de la communauté, mais aussi sous l’impulsion d’une autorité, comme l’évêque de Verdun à Sampigny dans le courant du XIIIe siècle.

La vie économique médiévale s’organise essentiellement autour de la mise en valeur du sol et de l’artisanat. On a vu, dans le cas de Dieue-sur-Meuse, que les sciences annexes de l’archéologie, ostéologie, carpologie, étude de la faune etc.  constituaient de nouvelles voies de recherche mais les sites de référence demeurent encore peu nombreux. L’agriculture vivrière a fait place à la culture céréalière et à l’élevage. La vigne tient désormais une place non négligeable avec ses pressoirs, à côté des moulins, fours…

L’activité métallurgique, sous l’impulsion de communautés ecclésiastiques, est surtout propre au Barrois (vallées de l’Ornain et de la Saulx) où l’on a exploité les dépôts ferrugineux détritiques. Elle passe, au XVe siècle sous l’autorité du duc René II et de l’évêque de Verdun mais la production demeurera modeste.

Parmi d’autres formes d’exploitation du sous-sol, les tuileries tiennent une place importante dans la Woëvre. La production de céramique n’avait quasiment jamais été localisée dans le département jusqu’aux fouilles récentes de Chaillon. À coté d’un habitat à activité agro-pastoral et artisanale, a été découvert un important site de production de pots et cruches qui a fonctionné du Xe au XIIe siècle.

Enfin, les carrières de pierre du Perthois (Savonnières-en-Perthois, Brauvilliers…), exploitées dès l’époque gallo-romaine, puis durant l’époque mérovingienne (sarcophages), ont produit de manière intensive durant tout le Moyen Âge, exportant la pierre de taille jusqu’en Champagne.

L’industrie verrière est propre à l’Argonne, riche en sable siliceux et grâce au salin, issu de la combustion des genêts et des fougères. La production de gobeleterie s’est échelonnée principalement du XIIIe au XVe siècle dans la vallée de la Biesme, à Lisle-en-Barrois et dans le département voisin de la Marne.

Maison forte de Gombervaux près de Vaucouleurs (Meuse), XIVe siècle. Photo Kétounette, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons.

Jacques Guillaume

Pour en savoir plus :

La nécropole mérovingienne de Dugny-sur-Meuse "La Redoute" (Meuse)

Dugny-sur-Meuse, à 5 km au sud de Verdun, est un village-rue traversé par le ruisseau du « Franc Ban », un affluent de la Meuse, sur sa rive gauche. Le terroir communal a été fortement occupé, principalement à l’époque gallo-romaine, avec six établissements ruraux repérés, la plupart d’entre eux étant situés sur les terrasses de la Meuse. Des traces d’un habitat, occupé entre le Ier et le IVe siècle ont été mises au jour au nord du village, dans l’environnement immédiat de l’ancienne église romane, ainsi qu’entre cet édifice et la nécropole mérovingienne de « La Redoute », à moins de 500 m à l’ouest. Des sondages préalables à la réfection du sol de l’église romane, réalisés en 2009 par l’INRAP sous la direction de Marie Frauciel ont permis de mettre au jour des murs appartenant à un bâtiment dont la fonction reste indéterminée et à des sépultures attribuables au haut Moyen Âge (Frauciel, Vermard 2009). D’autre part, on connaît l’existence de deux autres nécropoles attribuées au haut Moyen Âge, aux lieux-dits « l’Admodiation » et « Rèze » (Mourot, 2001, p. 246).

 

La nécropole de « La Redoute », à l’ouest de l’extrémité nord du village actuel, s’est développée sur la partie inférieure du versant ouest de la vallée de la Meuse, à une trentaine de mètres au-dessus du niveau de la rivière. Elle a été mise au jour en 1977, lors de la construction d’un lotissement puis fouillée partiellement de 1977 à 1979 sous la direction de Claude Lefèbvre (Lefèbvre, 1977-1978) et, en 1979, 1980 sous la direction de Jean-Pierre Lémant, portant à 279 le nombre de tombes mises au jour (Lémant, 1979-1980). La sépulture 46 renfermait une plaque-boucle de type wisigothique qui conservait des traces textiles. Une fouille complémentaire a été réalisée en 1990, concernant 5 nouvelles tombes, l’une d’elles ayant fourni une seconde plaque-boucle de type wisigothique (Cf. infra).

Plan du site : Relevé J.-P. Lémant complété. DAO I. Mangeot

Le site fut occupé dès l’époque gallo-romaine comme le prouvent les niveaux d’occupation de la deuxième moitié du IVe siècle, surcreusés par les sépultures mérovingiennes, découverts lors des fouilles de 1990. Ils sont bien datés par des monnaies de Valens, Gratien, Valentinien Ier, Valentinien II. D’autre part, un édicule, vraisemblablement plus ancien et dont la fonction était vraisemblablement religieuse, a été mis au jour dans la partie nord de la nécropole en 1978. Cet édifice, modeste (L. 3,90 m, l. 3,60 m), construit en appareil régulier et voûté en tuf, renfermait un pied de table. À proximité fut mise au jour une statuette d’Hercule en pierre, qui semble avoir occupé l’édicule en question. Hors contexte, ont été découvertes deux plaques de chancel (?) en calcaire local détritique sculptées en méplat, à mettre en relation avec un édifice cultuel du haut Moyen Âge qui n’a pas été retrouvé. Une des plaques porte une croix de Malte dont le cœur est décoré d’une rosace, avec l’alpha à gauche. La seconde est décorée d’un double rang de demi-cercles sécants, avec, dans les intersections, des cercles et de curieux motifs en champignons surmontés d’un triangle, qui pourraient être des représentations stylisées de personnages. (Lémant, 1986, p. 129, Mourot, 2001, p. 247, 248).

Élément de chancel (Ve-VIe siècle). Photo J. Guillaume.

La nécropole, dont la superficie est d’environ 2500 m2, s’est développée suivant trois phases chronologiques principales, marquées par des pratiques funéraires spécifiques (Lémant, 1986, p. 129, 130) :

  • Aux Ve-VIe siècles, il s’agit d’inhumations profondes (1,20-1,60 m) avec un remplissage homogène, bien séparées les unes des autres. Le mobilier funéraire comprenait, parmi les objets les plus caractéristiques, des plaques-boucles et des fibules cloisonnées, des fibules d’argent doré, des épingles, des récipients en verre et en céramique et des armes en nombre assez restreint. Certaines sépultures féminines, ayant restitué des galons de vêtement en or, témoignent de la présence d’une classe sociale aisée.
  • Au VIIe siècle, les inhumations sont moins profondes (0,70m-1,20 m) et le remplissage est plus chargé en matières organiques. Les corps sont placés dans des coffres de pierre constitués d’éléments gallo-romains en remploi, doublés d’un cercueil de bois ou des sarcophages, ces derniers aujourd’hui restaurés et conservés dans l’église romane. De plan rectangulaire ou trapézoïdal, ils ont été en grande majorité importés du Perthois (sud du département de la Meuse et nord de la Haute-Marne). Le mobilier funéraire, qui tend à se raréfier, est souvent placé à proximité du crâne ou sous celui-ci.
  • À partir d’une période qu’il faut sans doute situer à la fin du VIIe siècle ou au début du VIIIe siècle prédomine l’inhumation en « pleine terre », avec un remplissage organique mêlé à du charbon de bois. Alors que, pour les phases précédentes, l’orientation des tombes répond à la norme habituelle dans nos régions (ouest-est), ici les sépultures sont dépourvues d’une orientation précise et l’on rencontre des fosses collectives. Ces pratiques, jointes à la disparition du mobilier funéraire, offrent une image d’uniformité et de relative égalité dans la mort.

 

Collier : perles en améthystes, pâte de verre, ambre (VIe siècle). Photo J. Guillaume.

 

 

 

Hache dissymétrique (VIe siècle). Dessin Cl. Lefèbvre.

 

Les plaques-boucles des tombes 46 et 173 

 

Les deux plaques-boucles « wisigothiques », découvertes en 1979-1980 (sépulture 46) et 1990 (sépulture 173), proviennent toutes deux du secteur nord-est de la nécropole. Les tombes 46 et 173 sont d’ailleurs séparées d’une quinzaine de mètres seulement. Il pourrait s’agir ici d’un groupe familial mais cette hypothèse demeure fragile car la nécropole n’a pas été fouillée de façon exhaustive.

 

La sépulture 46 a fourni une boucle ovale en alliage cuivreux et une plaque-boucle en fer de type « wisigothique ». Cette dernière, fortement oxydée et en mauvais état de conservation, comporte une plaque rectangulaire qui fut plaquée d’argent (il en subsiste des traces) Sur la face supérieure, étaient rapportées à l’origine (par rivetage ?) 7 bâtes d’alliage cuivreux doré de forme circulaire ou ovale enchâssant un cabochon bombé de pâte de verre translucide. Quatre d’entre eux sont situés dans les angles, deux au milieu des grands côtés et un au centre. Deux d’entre eux ont disparu : celui de l’angle inférieur droit et celui placé au centre du grand côté inférieur. Les cabochons sont de couleur bleu cobalt (dans l’angle inférieur gauche et au milieu du grand côté supérieur), verte (au centre) et miel (dans les angles supérieurs).

La boucle, ovale et l’ardillon droit, tous deux en fer, sont fortement oxydés. La boucle conserve des éléments de tissu fixés par les oxydes. Le système d’articulation entre la plaque et la boucle a disparu.

 

La plaque-boucle de la tombe 173 est en fer plaqué d’une épaisse feuille d’argent à fort titre, assez bien conservée sur la face externe de la plaque. Le placage est à l’état de lambeaux sur la face supérieure de la boucle. Aucune trace d’argent n’apparaît sur les revers de la boucle, de l’ardillon et de la plaque qui n’ont vraisemblablement pas été plaqués.

La boucle est de plan ovale et de section ovalaire. Avant restauration, son revers présentait des traces de tissu, dont les fibres, de 0,2 à 0,3 mm de section et à torsion en Z n’ont malheureusement pu être analysées vu leur état de conservation.

La fixation de la plaque sur le cuir était assurée, au revers, par une mince plaque en tôle de fer rectangulaire, et, côté boucle, par une barrette transversale d’alliage cuivreux fixée par deux rivets placés aux angles de la plaque et dont les têtes sont masquées par la feuille d’argent.

La feuille d’argent décorant la plaque est fixée aux angles par quatre rivets de fer (l’un manque) et au revers par repliement du métal (il en subsiste deux petites traces). Elle porte un décor estampé et ciselé formant une frise périphérique, ainsi qu’une frise axiale, constituées d’ocelles estampées de 0,3 cm de diamètre, encadrées de deux petits cercles estampés, chaque groupe étant disposé obliquement et séparé du suivant par des incisions obliques ciselées. Les frises sont délimitées par deux lignes parallèles de petits points également estampés.

La partie centrale de la plaque est décorée d’une bâte ovale d’argent doré sertissant un grenat en cabochon à profil convexe, soudée sur la feuille d’argent. La base aplatie de la bâte, dont le fond est fermé par une feuille d’argent, comporte un décor de stries rayonnantes ciselées à l’aide d’un burin. Le grenat, de grande taille (long. 21 mm, larg. 16 mm, ép. 6 mm), qui contient des inclusions indéterminées de couleur noire, repose sur un paillon d’argent (?) doré gaufré, uniquement visible à la loupe binoculaire du fait de l’épaisseur de la gemme et de sa couleur rouge foncé. Le grenat provient du Rajasthan, comme l’analyse réalisée au Louvre par M. Calligaro a pu le prouver.

Le cabochon masquant une partie du décor de la frise axiale, on est tenté d’en conclure qu’il a été posé postérieurement. Selon une autre hypothèse, moins recevable, deux orfèvres se seraient chargés du décor sans se concerter, l’un de la feuille d’argent, l’autre du cabochon de grenat.

Des traces de textile, dont l’analyse a été jugée irréalisable par le restaurateur, ont été repérées au cours de la restauration sur le cuir de la ceinture ainsi que sur l’ardillon. Il s’agissait de fils de 0,2 à 0,3 mm de section à torsion en Z.

 

Plaque-boucle de la tombe 173 plaquée argent et grenat, Dugny-sur-Meuse (Meuse), fin Ve début VIe siècle, époque mérovingienne. Photo J. Guillaume.

 

Les plaques-boucles des tombes 46 et 173 sont caractéristiques des productions attribuées aux Wisigoths. Habituellement datées de la seconde moitié du Ve siècle et du début du siècle suivant, elles sont également connues en Gaule mérovingienne, notamment en Basse-Normandie, en Haute-Normandie, dans l’Aisne, la Marne, en Charente-Maritime… et en moindre part en Allemagne et en Suisse. Toutes sont de forme rectangulaire (sans doute héritée des productions de l’Antiquité tardive), parfois plaquées d’argent, éventuellement à décor poinçonné et souvent ornées d’un ou plusieurs cabochons renfermant un grenat ou une verroterie. Il ne semble guère possible, dans l’état actuel de la recherche, de localiser avec certitude le ou les centre (s) de production, à placer en priorité dans le domaine wisigothique, même si, en Gaule, leur plus forte densité au nord de la Loire pose problème. Pour nous limiter à l’espace lorrain, d’autres découvertes, certes peu nombreuses, attestent de relations économiques avec le domaine wisigothique, sinon de la pénétration dans le domaine franc de groupes issus de ce royaume. On citera notamment une grande fibule discoïde cloisonnée à Soulosse-sous-Saint-Elophe (Vosges), une paire de fibules aviformes cloisonnées à Ville-sur-Cousances (Meuse), les plaques-boucles de Lavoye (Meuse) et de Cutry (Meurthe-et-Moselle). Cependant, il serait excessif de considérer l’influence wisigothique comme exclusive, alors que la Lorraine a entretenu des liens économiques et/ou sociaux avec d’autres régions du monde mérovingien : Thuringe, Burgondie, Alamanie, Lombardie et pays anglo-saxons par exemple.

Jacques Guillaume

 

Bibliographie sommaire

 

Frauciel M., Vermard L. Rapport de diagnostic, Inrap, 2009.

Lefèbvre Cl., 1977-1978. Rapport sur la fouille de sauvetage réalisée à Dugny-sur-Meuse (Meuse). 1977-1978. 25 pp. dactyl., 27 fig., pl. (déposé au Service régional de l’Archéologie de Lorraine, Direction Régionale des Affaires Culturelles, Metz).

Lémant J.-P., 1979-1980. Dugny-sur-Meuse. 1979-1980. Rapport dactyl. 4 pp., fig., pl. (déposé au Service régional de l’Archéologie de Lorraine, Direction Régionale des Affaires Culturelles, Metz).

Lémant J.-P., 1986. Aspect du peuplement franc dans la haute vallée mosane. La civilisation mérovingienne dans le bassin mosan. Actes du colloque international d’Amay-Liège du 22 au 24 août 1985 sous la direction de M. Otte et J. Willems, Liège, 1986.

Liénard F., 1884. Archéologie de la Meuse. Description des voies anciennes et des monuments aux époques celtique et gallo-romaine. Tome II, partie centrale du département. Verdun, Charles Laurent, 1884.

Mourot F., 2001. Carte archéologique de la Gaule. La Meuse-55– Académie des Inscriptions et Belles-lettres, 2001.